EVENT N°1 • PART 1

Devrais-tu continuer ? Es-tu condamné à devenir ce que tous veulent que tu sois ? Tu n'en sais rien. Tu as bien cru, à plusieurs reprises, être contraint tout avouer, quand les heures sombres te guettaient. Cela nous arrive à tous et, bien que tu le conçoives, c'est une des épreuves que l'on range souvent trop vite dans le dénommé tiroir « insurmontable » de la grande armoire qu'est la vie. Tu as lutté, longtemps, peut être trop, peut être est-ce pour cela que tout s'est arrêté, que tout a volé en éclats par ta simple volonté. Probablement, et par ailleurs, tu ne regrettes rien. Tu ne regrettes jamais rien. Mais comment tout cela a-t-il bien pu être dévoilé au grand jour ? Où est le commencement, et surtout, où est la fin de cette sordide histoire ?

Tout a commencé une nuit relativement noire, aucune étoile n'était par ailleurs visible dans le ciel, comme si le Clan des Étoiles désapprouvait par avance ce choix. Mais que fais-tu, à braver ce vent glacial ? Rien n'était plus gelé, tu pouvais entendre la rivière couler au loin. Il n'y aura pas d'innondation cette année, car bien qu'il fasse froid la nuit, la chaleur était très forte durant tout le jour. Tes poils d'hiver n'étant pas encore tombés, tu mourrais de chaud, et te baigner n'en était que plus rafraîchissant. Mais maintenant, tu ne pourras plus te baigner, tu courreras, libre comme le vent entre les arbres. Tu trottinais calmement à travers ce territoire qui t'avait vu naître, grandir, mûrir. Et pourtant tu le quittais, non sans regrets. Enfin, tu la vis. La frontière. Prenant une longue inspiration, tu reconnus les nombreux fumets qui composaient le territoire ennemi, qui allait pourtant devenir ami. Et au loin, tu la sentais déjà. Tu pensais à sa fourrure douce et à son regard tendre tandis que tes pattes traversaient la frontière. Voilà, tu y  étais. Et elle était là, elle savait, elle t'attendait. Reptilienne du Lotus.

Elle te regardait, froide et imperturbable, comme d'habitude. Ou bien, peut être était elle stressée d'enfreindre les règles ? Tu ne pouvais pas le savoir, elle ne montrait jamais ce qu'elle ressentait, ta chère et tendre amante. Amante parmi tant d'autres, bien que tu lui accordais un statut privilégié. Elle t'attirait, et rester loin d'elle allait s'avérer être une torture. Passer des jours sans la regarder, sans pouvoir l'aimer comme tu l'aurais voulu. Un soupir s'échappa de ta gorge, et ton regard se posa à nouveau sur elle. Elle n'allait pas t'adresser la parole, elle était fière, et dans la nuit son regard brillait et ses yeux étaient réduits à deux fentes. On ne distinguait pas leur couleur naturelle. Elle aurait semblé possédée et menaçante si tu ne la connaissais pas. Elle semblait sûre d'elle. Tu t'approchas lentement d'elle et enfouis ton museau dans sa fourrure. Tu ne sentis aucun mouvement de recul ni aucune gêne. Ce moment privilégié serait le seul avant un moment. Si tu avais à câliner quelqu'un, ce sera probablement quelqu'un que tu n'aimeras pas forcément, et que tu auras juste séduit par intérêt. Tu sentis une autre odeur, différente celle-là. Avec grand regret, tu te retiras du pelage si doux de Reptilienne du Lotus. Elle recula et s'éloigna. Rapidement, son odeur se dispersa. Il ne fallait pas qu'elles se croisent, elles ne le devaient pas. Tu inspiras un grand coup. Étais-tu sûr de ton choix ? Tu eus une pensée pour Étoile du Nil, et tu souris faiblement. Elle te manquerait. L'autre odeur se fit plus forte et tu la savouras. C'était ce qui t'attendait et tu n'avais pas peur.

Enfin, elle apparut, souple et gracieuse, avec cette lueur bienveillante dans les yeux. Elle n'avait rien à envier à Reptilienne du Lotus, elles étaient si différentes. Tu perçus quelque chose d'autre dans son regard. Serais-ce une pointe d'amour ? Ton cœur bondit à cette pensée. Tu étais un monstre, Mélancolie des Oiseaux, un monstre. La culpabilité ? Non tu ne connaissais pas, jamais. Tu vivais sans aucune règle sentimentale, tu brisais les autres comme on brise une brindille en marchant dessus. Pourtant tu ne te qualifiais pas de cruel. Tu te trouvais même gentil de leur accorder ton temps à toutes ces femelles. Tu t'avanças et enfouis à nouveau ton museau dans un pelage, à la texture différente quoique peu dérangeante. Enfin, tu osas prendre la parole, après quelques instants de silence complet.

« Enfin, te voilà, mon amour, commenças-tu en marquant une faible pause, n'attendant pas de réponse. Allons-y, vite. Je ne tiens pas à être surpris, bien que j'assume parfaitement mon choix. Je suis juste tellement impatient de tous les rencontrer. »

Tu l'encourageas d'un petit coup de museau. Il fallait y aller maintenant. Et quoi qu'il arrive, tu n'avais, et n'auras jamais peur.