L'autorité?Moi je la défie! feat Étoile d'un Mystère

Tu es là. Immobile. Encore fois. Combien de fois t’ai-je vu aussi immobile, sans bouger, fixant le vide, le noir de ta tanière ? Tu réfléchissais. Du moins, je pense. Je ne peux pas tout savoir bien que je te connaisse bien, beaucoup trop bien. Je ne peux pas tout savoir malgré tout. Je te vois, ne bougeant pas, et je me retiens de rire. Je sais ce que tu fais, je sais pourquoi tu ne bouges pas. Tu m’écoutes murmurer. Dire des choses et faire changer le monde, car j’aime ça oui, j’aime changer le monde. À tes yeux. Je ne peux le changer qu’à tes yeux, alors c’est ainsi que le change et ça m’amuse. Tu ne sais pas où tu es, tu ne sais pas ce que tu fais. Tu ne sais rien, en fait. Mais ce n’est pas grave, je te contrôle, je te manipule. C’est mon devoir de le faire pour faire de toi le plus tordu des meneurs et sans doute celui qui pourrait marquer les histoires de nouveau.

Tout est trop passif. Voilà ce que je te fais penser. Tout est trop passif dans cette forêt et les choses se doivent de changer. Alors un jour, oui, un jour tu changeras tout. Du moins, c’est ce que tu veux, ce que tu souhaites pour ne plus voir les jours monotones s’enchaîner dans la même routine que les précédents. Tu veux que tout change enfin, que tout bouge. Mais il te faudrait attendre, mon cher meneur. Tu devras être patient. J’en suis navré, mais pas tant non plus, il ne faut pas pousser à l’excès, je ne suis pas comme toi, moi, je ne ressens pas. Je te vois t’étirer, longuement, tu as fini par effacer ma voix de ton esprit et retrouver la vision normale - dans la mesure où quelque chose peut se trouver à être normal, du monde. Alors tu sortis de ton gîte. Tu détestais y rester trop longtemps, tu préférais être à l’extérieur, mais mieux encore était de se trouver auprès des chatons et leur parler, leur apprendre des techniques de chasse, pas vrai?

Et sans même attendre, tu te dirigeas vers la pouponnière, ne t’a-t-on jamais appris à être patient mon cher? Je me doute bien que la réponse ne sera point positive, parce que je te vois tous les jours agir en manquant certainement de cet atout, parce que oui la patience est un atout, mais il te faudra apprendre, parce que même si tu ne le réalises pas, tu peux être bien trop patient parfois, mais… c’est rare. Il faut l’admettre que c’est rare. Tu as de la patience, c’est déjà ça, un bon début, un bon fond, mais il me reste beaucoup de travail avec toi. Mais une chose en son temps. Parce qu’en me perdant ainsi dans mes pensées, je t’ai perdu de vu et tu as eu le temps de finir de t’occuper des chatons, il ne faut pas que cela se voit après tout, ton petit manège est trop illégal, si je puis dire cela ainsi.

Et te voilà maintenant qui se diriger envers ton lieutenant. Quel est son nom? Tu l’ignores. Tu n’y as jamais fait attention. Tu sais juste qu’elle s’occupe de donner les patrouilles et qu’elle fait un travail satisfaisant. Et que c’est mieux ainsi. Parce qu’il ne fallait pas que tu perdes contrôle contre le lieutenant. Tu lui demandas des nouvelles des apprentis et puis tu allas voir ces derniers en personne pour assurer le suivi de leurs formations et puis tu fis le tour des mentors. Cela prenait du temps, mais tu le prenais ce temps, parce qu’il n’y avait rien de plus important pour toi que l’entraînement des futurs guerriers du Clan du Tonnerre. C’était ton Clan et ton Clan se devait d’être le plus fort, le meilleur. Tu allais inévitablement faire en sorte que ce soit le meilleur, c’était ton but, ta destinée depuis que tu étais à la tête du Clan du Tonnerre et cela ne changerait pas, du moins pas tout de suite, c’était certain parce que tu étais toujours le même.

Tu marchas. Longuement. Et tu chassas. Mais tu ne fis qu’enterrer tes proies, parce que tu n’avais pas fini de chasser et que tu souhaitais finir de chasser, finir de marcher aussi, tu aimais ça marcher. Je n’ai jamais su pourquoi d’ailleurs comme tuer m’importait bien plus que de marcher et chasser, mais moi je suis Venin, pas Étoile d’un Mystère, n’est-ce pas? Et puis tu t’arrêtas. Dans l’ombre. Comme toujours, sûrement parce que tu te sentais à ta place dans l’ombre puisque tu étais toi-même quelqu’un de bien sombre, sans doute le plus cruel des meneurs… sans doute. Mais ça, qui le savait ? Peu de chats étaient au courant que tu étais si cruel, que quelques-uns. Trop peu. Mais c’était mieux ainsi. Et alors une odeur te dérangea. Celle du Clan du Vent. Tu l’avais vite identifier parce que tu étais malgré tout bien observateur. Et tu savais à qui elle appartenait, cette odeur. Tu mis un certain temps à mettre un nom dessus, mais tu y parviens. Cette guerrière portait le nom de Fleur de Cerisier. Et tu te retournas.

« Tiens.. qui voilà », miaulas-tu simplement. « Quel bon vent t’amène ? » poursuivis-tu.

Tu la regardas. Elle ne te respectait pas. Son regard exprimait à quel point elle ne te respectait pas. C’était ce que tu voyais, ce que tu devinais et ça t’exaspérait. Tu cherchais à être respecté, vénéré et même craint. Tu ne voulais pas que l’on ignore ton autorité que l’on reconnaissait bien souvent. Ça t’irritait. Mais tu ne faisais rien. Tu ne voulais pas faire quelque chose cette fois-ci, mais peut-être que la remettre à sa place serait bien mieux, parce qu’elle était une guerrière, une vulgaire guerrière et une femelle qui plus est, sa place était au camp et non dans les terres libres.

Mais surtout et avant tout, elle n’avait pas à fourrer son museau dans les affaires d’un meneur, d’un Clan adverse en plus, car la raison pour laquelle tu étais ici ne regardait que toi et ne regarderait que toi, elle n’avait pas à savoir pourquoi tu venais ici… le savais-tu réellement ? Non. Tu savais uniquement que tu venais d’arrêter de marcher, parce que tu ne faisais que marcher, mais tu t’étais arrêté et tu l’avais vu. Tu t’étiras longuement. Sans se soucier de ce qu’elle disait, tu t’en foutais complètement. Et tu t’en foutais aussi qu’elle attende une réponse, ça ne te dérangeait point, tu faisais ce que tu voulais, c’était aussi simple et si cela la dérangeait, qu’elle aille se faire foutre, non ? Pour toi, la femelle devant toi ne méritait pas ton attention.

Tu n’aimais pas les femelles. Et pourtant, son comportement ne semblait pas celui que tu avais en horreur, elle semblait prendre beaucoup d’initiative, et être un peu comme toi, à jouer avec le feu, à jouer avec le danger, elle semblait ainsi, mais tu t’en fichais. Tu te fichais de beaucoup de choses d’ailleurs, car tu te souciais généralement que de toi, et c’était peut-être ce qui te rendait le plus amusant à mes yeux, mais peut-être pas. Je ne savais pas au fond. Tu étais amusant, c’était tout et je ne chercherais sans doute jamais plus loin.

Et tu continuais de te faire ta toilette et de t’étirer, de te rendre à ton aise sans même répondre à la guerrière du Clan du Vent, tu l’ignorais en quelque sorte, parce que tu ne souhaitais pas lui dire ce que tu faisais ici, tu te voyais bien mal de toute évidence de lui avouer que tu n’avais aucune raison d’être ici, que tu ne faisais que te promener. Alors tu attendais, tu attendais que les minutes passent et tu espérais qu’elle s’en aille en comprenant que tu n’avais strictement aucune envie de lui parler. Mais elle était toujours là, elle ne bougeait pas. Tu attendais encore et encore qu’elle s’en aille, tu ne voulais pas lui répondre, mais elle semblait aussi patiente que toi, et elle resterait tant que tu ne lui aurais pas fourni de réponses, tu en étais certain.

Alors tu allais devoir lui fournir une réponse, mais laquelle? Tu n’en avais aucune idée, comme tu détestais simplement l’idée de répondre à cette femelle, de lui dire quelque chose qu’elle attendait. Et je voyais que tu réfléchissais, du moins, je le savais, mais je ne pouvais pas faire autrement étant donné que j’étais en toi, que tu étais mon corps hôte. Tu soupiras légèrement.

«En quoi ça te regarde ? Je ne m’approcherais que lorsque je le voudrais» miaulas-tu avant de t’approcher dangereusement prêt.

Tu la regardais. Tu t’étais avancé, mais tu ne te souvenais même plus pourquoi. Quelque chose t’avait poussé à t’avancer, vous jouiez avec le feu, mais ça n’avait pas l’Air de vous déranger, après tout. Vous étiez le feu tous les deux et moi, je vous regardai, amusé. Tu demeurais immobile, près de la guerrière et tu attendais maintenant qu’elle daigne réagir, que faire sinon ? Tu ne pouvais t’en prendre à elle pour le moment, tu entrevoyais les conséquences, parce que vous étiez sur un lieu sacré et ce serait dur de camoufler toutes les traces d’un massacre et puis, il y aurait des marques de bataille si ce n’était pas elle qui gagnait la bataille. Ce qui n’était point envisageable.

Tu t’étiras longuement, faisant craquer certains de tes membres, tandis qu’elle aussi semblait attendre quelque chose. Ou alors tu te faisais des idées, c’était tout aussi possible après tout. Parce que tu n’étais pas le chat le plus sain et qui t’arrivais bien fréquenter de voir des choses que les autres ne voyaient pas. Ou alors était-ce parce que tu aurais dû devenir guérisseur ? Non. C’était formel. Un guérisseur croyait plus que tout au Clan des Étoiles et toi, tu reniais complètement ces histoires racontées depuis ton enfance. Le Clan des Étoiles n’existait pas et n’existerait jamais, c’est ainsi et ce sera toujours ainsi, tu n’entrevoyais aucun changement. Mais le changement serait toujours possible, car l’avenir ne peut être décidé à l’avance, seul le temps en dévoilerait les secrets.

Et les secrets, ce n’est pas ce qu’il te manque n’est-ce pas ? Juste ton existence est un secret. Juste ta vie l’est. Ton règne de meneur est un secret, parce que tu as tué pour y accéder et que cela ne doit jamais se savoir. Ta vie est un secret et le sera toujours, peu importe ce qui va arriver, ça c’était certain. Parce que certains secrets se doivent d’être gardés, camouflés pour l’éternité, aussi longue l’éternité puisse être. Sous peine de terribles conséquences que toi, tu n’étais pas prêt à encaisser, comme la perte de ton rang que tu avais tant convoité, jusqu’à tuer le meneur pour lui succéder. Si rapidement. Pour avoir ton rang de meneur plus rapidement que le temps en avait décidé, tu avais forcé les choses.

Et aujourd’hui, tu étais meneur. Tu étais une étoile, comme les trois autres étoiles de la forêt, mais tu étais sans doute le moins… clair. Le moins digne. Celui qui n’aurait pas dû être là, un imposteur. C’était ce que tu étais, un imposteur. Et tu ne seras qu’un imposteur toute ta vie, peu importe ce qui allait arrivée, car même si on ne pouvait prévoir l’avenir, certaines choses restaient sûres. Tel que le fait que tu n’aurais jamais totalement ta place dans ce monde où le sang ne ferait que des morts de plus, où la violence n’est pas le moyen qu’entrevoie les chats dans la forêt pour régler les choses, mais toi… toi, tu veux tout changer. Parce que tu voue un certain culte à la violence, parce que tes pattes sont tâchées de sang innocent. C’est aussi simple que cela. Et tu veux que la forêt soit aussi sanglante que l’est ta vie. Mais cela n’arriverait sans doute pas. Ou peut-être. Avec un peu de patience.

Ce que te dit la guerrière te provoqua un petit rire moqueur. Elle avait eu ce qu’elle voulait parce qu’elle t’avait défié et que t’avais eu envie de t’approcher au final, du moins était-ce ça ? C’était ce que tu te disais et puis, c’était vrai que tes activités te concernaient toi et que toi, personne d’autre. C’était les activités d’un meneur, rien de plus et c’était confidentiel, c’était ta vie privée bien plus sombre que quiconque ne pourrait l’imaginer. Tu t’étiras de nouveau tandis que je gardais un œil sur toi et tu t’éloignas.

«Exactement, et j’ose espérer que tu comprennes que je dois rejoindre mon Clan. » dis-tu avant de partir, la laissant là.